« Tant de ressources publiques pour briser une famille »

Communiqué de presse de Passerell  30 juin 2025Expulsion forcée imminente d’un jeune homme syrien vers la Bulgarie, malgré un jugement du Tribunal administratif reconnaissant une violation

Les membres de la famille M., originaires de Syrie, ont fui la guerre et ont passé de longues années séparés, sur les routes du Moyen-Orient et de l’Europe avant de se retrouver au Luxembourg. Les parents et la fratrie espéraient, après un parcours semé d’embûches et une longue attente, pouvoir enfin se reconstruire ici. Mais les autorités luxembourgeoises en ont décidé autrement. Si les deux parents et sept de leurs enfants ont reçu des titres de séjour en tant que réfugiés et bénéficiaires du regroupement familial, un des frères fait face à un refus inflexible.

Khalel était tout juste majeur lorsqu’il a fui la Syrie il y a cinq ans pour échapper au service militaire d’un régime dictatorial et violent. Lorsqu’il est arrivé en Europe, il a été contraint de séjourner en Bulgarie, où il a subi des mauvais traitements qui ont laissé chez lui des traumatismes profonds. Il a
finalement réussi à rejoindre sa famille au Luxembourg, où il a déposé une demande d’asile. Mais le Luxembourg a refusé sa demande, préférant appliquer une disposition du règlement européen « Dublin » et le renvoyer en Bulgarie. Cette décision, confirmée par un jugement au mois de janvier, a causé une détresse telle que Khalel a sombré dans la dépression et a commencé à manifester des tendances suicidaires. Son transfert vers la Bulgarie devait avoir lieu le mois dernier mais Khalel a été pris d’une crise de panique telle que le transfert a dû être reporté. Il est désormais enfermé au centre de rétention en vue d’une nouvelle opération de transfert forcé vers la Bulgarie, prévue le jeudi 3 juillet par un vol charter spécialement affrété. Sa santé mentale se dégrade de jour en jour et toute la famille vit dans l’angoisse permanente d’une issue dramatique.

Les autorités luxembourgeoises ont le droit de faire une exception et de ne pas renvoyer Khalel en Bulgarie : c’est une possibilité prévue par le règlement Dublin. Elles choisissent de ne pas le faire, et de consacrer leurs ressources humaines et financières à maintenir Khalel en rétention et à payer un vol charter suréquipé pour être sûres de se débarrasser de lui. « Tant de ressources publiques mobilisées pour briser un jeune homme et toute une famille », déplore Marion Dubois, directrice de Passerell, qui avait accompagné deux des jeunes frères de Khalel il y a quatre ans lors de leur arrivée au Luxembourg, également semée d’obstacles administratifs.

Lors d’une procédure en justice visant à contester la rétention de Khalel, il s’est avéré que les autorités luxembourgeoises n’ont pas mentionné à leurs homologues bulgares les problèmes de santé de Khalel et son besoin de prise en charge. C’est d’autant plus problématique que la Bulgarie est notoirement connue pour mal traiter les réfugiés. Communiquer sur les vulnérabilités et les besoins d’une personne transférée est pourtant l’une des obligations contenues dans le règlement Dublin que les autorités luxembourgeoises prétendent appliquer. La semaine dernière, le Tribunal a reconnu cette violation et constaté que le transfert ne devrait pas être fait dans ces conditions, mais le Ministère a fait appel et la décision finale sera rendue trop tard pour empêcher le transfert.

Extrait d’une lettre des parents de Khalel :

« Khalel fait partie d’une famille de huit frères et sœurs, tous actuellement scolarisés ou étudiants au Luxembourg. Ses parents sont enseignants. C’est une famille engagée, instruite et bien intégrée, qui ne cherche qu’à protéger son fils d’un sort tragique et injuste.

Aujourd’hui, notre seul espoir réside dans la possibilité d’un avenir sûr en Europe, loin de la guerre, de l’oppression et de l’humiliation.

Nous espérons que le Luxembourg, pays attaché aux droits humains et à la protection des personnes vulnérables, saura comprendre la gravité du danger qui menace Khalel en cas de retour. »

Personnes de contact :
Lundi 30 juin : Constance JACQUEMOT – constance.jacquemot@passerell.lu +352 691 811 161
Mardi 1er juillet : Anke VANDEREET – anke.vandereet@passerell.lu +352 691 811 164