Votre panier

«Il n’est pas envisageable de retourner en Afghanistan»

Paperjam 22 août 2021
Témoignage

«Il n’est pas envisageable de retourner en Afghanistan»



Kaboul, Afghanistan, le 18 août 2021. (Photo: John Smith/Shutterstock)

Kaboul, Afghanistan, le 18 août 2021. (Photo: John Smith/Shutterstock)

Les Afghans du Luxembourg assistent avec horreur à la chute de leur pays aux mains des talibans, craignant pour leurs familles au pays. Ceux qui attendent toujours leurs papiers, comme Tahera Mohamadi, s’inquiètent d’un avenir incertain.

«Ce fut un chemin long et périlleux pour arriver jusqu’ici», témoigne Tahera Mohamadi. Elle est arrivée au Luxembourg avec son mari et sa fille il y a près de quatre ans, transférés d’un camp de réfugiés en Grèce.

Leur demande d’asile a été refusée à deux reprises par les autorités luxembourgeoises, mais l’affaire est toujours en cours de traitement devant les tribunaux. Mme Mohamadi et sa famille craignent évidemment un nouveau rejet. «Il n’est pas envisageable de retourner en Afghanistan», a-t-elle déclaré, dans une interview accordée à Delano.

L’un de ses frères est arrivé au Luxembourg en 2015, mais d’autres membres de la famille ont dû retourner en Afghanistan. «Ils sont effrayés», déplore-t-elle. «La situation est très difficile, surtout pour les femmes et les filles, ainsi que pour les minorités.»

Des menaces sur les minorités ethniques et religieuses

Tahera Mohamadi et sa famille font partie des Hazaras, un groupe ethnique et religieux minoritaire considéré comme l’une des communautés les plus opprimées et dépossédées du pays.

Amnesty International a déclaré voici quelques jours que les talibans avaient massacré neuf hommes hazaras après avoir pris le contrôle de la province de Ghazni le mois dernier, se référant à des témoins oculaires. L’organisation s’attend à ce que davantage de personnes aient été tuées. «Les minorités ethniques et religieuses restent particulièrement menacées sous le régime taliban en Afghanistan», a déclaré la secrétaire générale Agnès Callamard, dans un communiqué.

«Quand vous êtes Hazara, il est clair que votre visage est différent et qu’ils choisissent facilement les gens et les tuent sans poser de questions», explique Mme Mohamadi. L’attention des médias sur Kaboul cache des crimes commis dans d’autres régions, assure-t-elle, ajoutant qu’elle ne croyait pas un mot des promesses des talibans à la télévision.

Un porte-parole des radicaux talibans lors d’une conférence de presse cette semaine a assuré que les talibans étaient attachés aux droits des femmes en vertu des lois de la charia, ajoutant qu’elles seraient autorisées à travailler et à étudier «dans certains cadres». Le groupe a également promis l’amnistie pour les représentants du gouvernement. «Ils essaient de montrer qu’ils ont changé. Mais je pense que ce n’est qu’une fable», s’insurge Tahera Mohamadi. «Ce sont des groupes différents dans différentes villes. Le groupe de Kaboul essaie de se montrer sous un meilleur jour.»

Une patrie, mais plus une maison

L’Afghanistan est la patrie de Mme Mohamadi, mais elle ne la considère plus comme sa maison.

Née en Iran, sa famille a décidé de retourner en Afghanistan quand elle avait 15 ans. «Pour la première fois, j’ai vu mon pays», se souvient-elle. «C’était une vie très difficile en Afghanistan après la guerre. Mais nous l’avons accepté pour ne plus être des réfugiés.» Elle sera diplômée de l’université en 2011. En tant qu’architecte, elle a travaillé sur un projet de restauration du palais Darul Aman à Kaboul. Les talibans ont lancé une série d’attaques contre le bâtiment en 2012. En raison de la discrimination subie en tant que Hazara et de préoccupations pour leur sécurité, la famille a décidé de fuir. «Quand vous voyez que votre vie est, encore une fois, en danger, vous choisissez de partir.»

Tahera Mohamadi a travaillé à la restauration du palais Darul Aman à Kaboul avant de fuir le pays. (Photo: Shutterstock)

Tahera Mohamadi a travaillé à la restauration du palais Darul Aman à Kaboul avant de fuir le pays. (Photo: Shutterstock)

Elle envisagerait de retourner en Afghanistan si elle et sa famille pouvaient le faire en toute sécurité. À l’heure actuelle, cependant, elle cherche des moyens de faire sortir sa mère du pays. «Si j’avais des papiers et un travail ici, je pourrais les soutenir.»

Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn (LSAP) s’est prononcé contre l’expulsion des demandeurs d’asile vers l’Afghanistan. Son ministère n’a pas répondu aux questions de Delano cette semaine pour savoir si les demandes de protection internationale seraient systématiquement approuvées à la suite du conflit.

Les dirigeants de l’UE ont déclaré qu’il fallait proposer une réponse commune à l’arrivée potentielle de demandeurs d’asile à ses frontières. Dans le même temps, les pays membres sont depuis longtemps divisés sur la politique migratoire à appliquer. Le type d’accord nécessaire pour empêcher une répétition de la crise des réfugiés syriens semble hors de portée. «Il est très difficile pour les personnes qui vivent ici d’imaginer repartir là-bas», assène Tahera Mohamadi, au moment où les gouvernements occidentaux se disputent pour savoir qui sortir d’Afghanistan et comment.

Vingt années perdues

Une génération de jeunes gens en Afghanistan a grandi sans les talibans au pouvoir, et alors qu’il y avait des attaques et des conflits, ils ont bénéficié de plus de libertés, d’une éducation, d’une presse indépendante, et plus encore. «Quand j’imagine la situation, c’est un cauchemar pour moi. Et ce sera bientôt pire encore», regrette Tahera Mohamadi.

Beaucoup de choses ont changé dans le pays depuis 2001. «Les gens connaissent l’extérieur, ils sont éduqués. Les enfants allaient à l’école. Nous avons pu voir beaucoup de changements, beaucoup de progrès. Mais je pense que nous avons reculé de 20 ans.»

Des vidéos largement diffusées sur les réseaux sociaux cette semaine ont montré des femmes descendant dans les rues de Kaboul pour protester contre les talibans et exiger le respect de leurs droits. Reste à savoir si ces poches de l’opposition pourront survivre. Elles pourraient également prospérer une fois que le choc de l’avance rapide des talibans s’atténuera.

Les dirigeants occidentaux ont appelé les talibans à respecter les droits humains, à permettre l’évacuation en toute sécurité des personnes de l’aéroport de Kaboul. «Mais ils font ce qu’ils veulent», dit notre interlocutrice.

Tahera Mohamadi estime que les talibans ne devraient pas être reconnus comme le gouvernement officiel de l’Afghanistan. «Parce que ce sont les mêmes talibans qu’il y a de nombreuses années; ce sont exactement les mêmes.»

Cet article a été écrit pour  Delano , traduit et édité pour Paperjam.

Le Barreau et les asbl mobilisés pour aider les Afghans

Paperjam 23 août 2021



En 2020, les décisions de protection internationale pour les ressortissants afghans sur le territoire luxembourgeois étaient à 61% des refus, contre 7% en 2019, et 0% en 2018. (Photo: Shutterstock)

En 2020, les décisions de protection internationale pour les ressortissants afghans sur le territoire luxembourgeois étaient à 61% des refus, contre 7% en 2019, et 0% en 2018. (Photo: Shutterstock)

La mobilisation en faveur des Afghans a débuté au Luxembourg. Le Barreau a réuni des spécialistes du droit d’asile en vue d’apporter une aide aux demandeurs de protection internationale afghans, et les asbl actives dans la défense des réfugiés interpellent également le gouvernement.

Jeudi 19 août, une réunion s’est tenue en présence de l’ombudsman – médiateur luxembourgeois – Claudia Monti, du bâtonnier sortant François Kremer et de 10 avocats spécialisés en matière de protection internationale, à la suite de la prise de pouvoir en Afghanistan des talibans quelques jours plus tôt. «L’initiative vient d’un échange que j’ai eu avec Claudia Monti en début de semaine, où nous avons imaginé réunir plusieurs membres du Barreau afin d’initier une discussion par rapport à la situation dramatique dans laquelle sombre l’Afghanistan depuis quelques jours», explique Franck Greff , avocat et président de la commission immigration et protection internationale du Barreau de Luxembourg.

L’objectif est de «mutualiser nos forces en vue d’avoir un discours le plus uniforme possible tant vis-à-vis de la Direction de l’immigration que vis-à-vis des juridictions administratives. Dans ce cadre-là, la commission que je préside a vocation à travailler sur le sujet afin qu’un document soit prochainement émis par le Barreau et à destination de tous nos confrères», ajoute Franck Greff. Un texte de base est déjà en cours de rédaction sur la situation actuelle et factuelle en Afghanistan. Il compilera un maximum d’informations pertinentes à partager pour faciliter le travail des avocats qui défendent les dossiers de demandeurs de protection internationale afghans.

Un signal d’alarme des asbl dès le mois de mai

Maître Greff, spécialisé dans le domaine de la protection internationale et de l’immigration, a lui-même été contacté par une dizaine de ses clients depuis le début de la semaine au vu de la dégradation de la situation en Afghanistan, et à Kaboul en particulier. «Certains ont, par exemple, vu leur dossier de demande de protection internationale refusé par la Direction de l’immigration et ont introduit un recours devant les juridictions administratives. Ils se demandent quelles initiatives nous allons pouvoir prendre.»

L’ambition est donc, notamment, de réévaluer l’ensemble des dossiers au vu de la situation actuelle en Afghanistan. «C’est le grand challenge qui est devant nous actuellement. Les avocats espèrent que les actions qu’ils vont pouvoir mener permettront de trouver une solution favorable à tous les Afghans qui sont actuellement sur le territoire national, tant ceux qui sont en procédure devant la Direction de l’immigration  que ceux qui sont en contentieux devant les juridictions administratives, sans oublier les personnes qui ont été déboutées. On va travailler pour tout le monde», ajoute Franck Greff.

Un appel que formulent également de nombreuses asbl du pays actives dans la défense des droits des demandeurs d’asile et réfugiés, dont Passerell. «Le ministre des Affaires étrangères Jean Asselborn (LSAP) avait annoncé qu’il ne renverrait pas les Afghans dans leur pays, mais la question est de savoir comment régler leur situation administrativement, et nous souhaitons demander au ministère une réévaluation des dossiers au vu de la situation la plus récente», insiste Marion Dubois, chargée de projets au sein de l’asbl. «L’administration justifiait jusqu’à présent les refus de protection internationale au motif que les talibans étaient un groupe privé et que les craintes affichées envers eux étaient purement hypothétiques et ne justifiaient pas l’octroi d’une protection. Mais la situation a totalement changé depuis quelques jours. C’est pour cela que nous demandons une réévaluation des dossiers en cours. On se pose la question également de la prise en charge des familles de personnes qui se trouvent déjà sur notre territoire, et qui sont encore en Afghanistan. Que compte faire le ministère pour ces personnes?»

61% de refus pour les ressortissants afghans

Les organisations Acat, Afghan-Lux Community Outreach, Asti, CLAE, Open Home, Passerell, Time for Equality, Reech eng Hand et RYSE avaient relancé la plateforme «Afghanistan is not safe» en mai dernier. Dans un communiqué de presse, elles s’alarmaient déjà de la situation sécuritaire, qui se «dégrad[ait] dans le contexte du départ des troupes américaines en Afghanistan. La question n’est plus de savoir si les talibans vont prendre le pouvoir, mais comment ils vont le prendre. Aujourd’hui, le territoire afghan est en proie à une coexistence violente entre talibans et armée régulière. Cela prolonge le climat d’insécurité pour les civils, dont les membres de la minorité Hazara, et menace directement l’accès à l’éducation, le droit des femmes et l’espoir d’une paix durable», annonçaient-elles.

«La Cour administrative de Luxembourg avait reconnu en janvier 2018 ‘une violence aveugle eu égard à la situation de conflit armé interne sévissant en Afghanistan’. Fin 2019, alors que l’Afghanistan ne présentait aucune amélioration sécuritaire durable, le ministre en charge de l’Asile a commencé à délivrer de nombreux refus aux demandeurs d’asile afghans. Au point qu’en 2020, les décisions de protection internationale sont à 61% des refus, contre 7% en 2019 et 0% en 2018. Mais le Luxembourg n’est pas une exception; de nombreux pays européens comme l’Allemagne ou la France refusent également de plus en plus l’asile aux Afghans», ajoute Marion Dubois.

Une réponse commune de l’UE est demandée

Et alors que la Cour administrative disait en 2018 que «le simple fait d’être un ressortissant afghan exposait la personne à des traitements inhumains et dégradants, peu importe où elle se trouvait sur le territoire afghan», en 2021, «elle dit que ce n’est plus le cas et que cela dépend de la province d’origine et d’un contrôle ou non par les talibans», précise la chargée de projets de Passerell. «Pour Kaboul, par exemple, la Cour disait que le retour était possible et qu’il n’y avait pas de risque pour la vie des ressortissants, mais, par exemple, pour la province de Ghazni, la décision de la Cour de début juillet disait que le contrôle par les talibans de cette zone justifiait l’octroi d’une protection subsidiaire. Il n’y a pas de liste définie de quelle province permet l’octroi, mais maintenant que les talibans ont conquis tout le territoire, ces décisions sont désormais obsolètes.»

Et si la conséquence migratoire de l’arrivée au pouvoir des talibans semble inévitable, l’asbl ne plaide pour autant pas pour l’octroi systématique d’une protection internationale. «Il faut que cela reste un examen individualisé de la demande, c’est-à-dire que chaque personne qui arrive sur le territoire doit donner les raisons pour lesquelles elle a quitté son pays. Il y a aussi des clauses d’exclusion dans les directives européennes et dans la convention de Genève qui s’appliquent pour certains cas.

Par exemple, si un Afghan a des liens avec les talibans, alors, il est normal qu’il n’ait pas la protection internationale, puisqu’il peut être dangereux et a potentiellement commis des crimes de guerre. Quand on parle d’un citoyen qui n’a pas de lien avec les talibans et qui a reçu par exemple des menaces, alors, l’octroi d’une protection semble justifié. Angela Merkel et Emmanuel Macron ont prôné un accueil modéré et contrôlé, donc je ne pense malheureusement pas qu’on arrivera à une situation où chaque ressortissant afghan bénéficiera d’une protection. Mais ce qui est certain, c’est qu’il faut une réponse coordonnée et cohérente de l’Union européenne, parce qu’on voit actuellement des différences dans l’octroi de la protection qui sont énormes.»

Une bouffée d’air en été pour les réfugiés

21 août 2021 Le Quotidien

Marion et Julie font part de l’enthousiasme des réfugiés à participer aux ateliers d’été organisés par Passerell.

Photo : alain rischard

À l’angle de la rue de Strasbourg, dans le centre culturel Gare, l’ambiance est particulièrement studieuse pour un mois d’août. Face à un tableau blanc, une vingtaine d’élèves suivent consciencieusement un cours de français ciblé ce jour-là sur les prépositions : à, dans, sur… Très concentrés, masque sur le nez, tous prennent des notes et s’appliquent à comprendre les subtilités de la langue française, expliquées parfois au moyen de l’anglais, qu’ils semblent déjà maîtriser. De l’autre côté du tableau, ils sont moins nombreux, c’est le cours d’anglais justement. Dans une autre salle se déroule également un cours de luxembourgeois ainsi qu’un second cours de français, avancé celui-là.

C’est la sixième année consécutive que l’ASBL Passerell organise ces «Ateliers d’été», des cours et des activités destinés aux réfugiés, que ceux-ci aient obtenu le statut, qu’ils soient en procédure ou qu’ils aient été déboutés. Quatre après-midi par semaine, pendant 2 h à 2 h 30, ils ont rendez-vous au centre culturel pour suivre des cours de la langue qu’ils auront choisie : français (c’est le cours le plus plébiscité), luxembourgeois (qui affiche également complet) et anglais.

Ce dernier cours suscite peut-être un peu moins l’enthousiasme, pour la simple raison que «beaucoup parlent déjà anglais, au moins un minimum», indique Marion Dubois, chargée de projets à Passerell, qui a elle-même donné des cours de langue au sein de ces ateliers par le passé. Le français est par contre «de loin la langue le plus prisée», puisque c’est celle qu’on leur apprend à leur arrivée au Luxembourg et qui semble être la langue administrative la plus utilisée à leur égard. «Souvent, une fois qu’ils maîtrisent le français, ils suivent alors les cours de luxembourgeois.»

La pratique avant tout

Les cours sont donnés avec «une approche sur mesure», explique Julie, chargée de coordonner tous les ateliers cette année et à qui il arrive quelquefois de dispenser des cours de français et d’anglais. «On leur demande parfois s’ils ont des thématiques particulières qu’ils aimeraient aborder et il y a souvent consensus en fonction de leurs besoins, des situations qu’ils rencontrent tous les jours. Ce qu’ils veulent surtout, c’est de la pratique, car dans les centres de formation ou les lycées, ils ont déjà une approche plus théorique des langues.»

Pour travailler avec des élèves d’horizons différents, les bénévoles se servent de polycopiés établis par Passerell, mais aussi de moyens détournés, comme la musique. «On leur apprend beaucoup de choses à partir de chansons, car cela favorise l’apprentissage pour l’esprit humain. Par exemple, je leur ai appris le son “u”, typique de la langue française, avec des chansons. Quelle fierté quand ils ont su le prononcer après deux heures de cours!», lance Julie, tout sourire.

La méthode fonctionne indéniablement : en quelques semaines, les «français débutants», qui pour certains ne connaissaient pourtant pas même l’alphabet, sont désormais capables de faire des phrases simples, de différencier le singulier du pluriel, le féminin du masculin… Et peuvent ainsi mettre en pratique ce qu’ils ont appris dans leur vie quotidienne. «On leur donne beaucoup de vocabulaire courant, qu’ils vont pouvoir utiliser rapidement», confirme Julie.

Yosef, 20 ans, est érythréen. Lui-même a suivi les cours de Marion Dubois au cours des ateliers d’été l’an dernier. S’il ne parlait pas un mot de la langue de Molière lorsqu’il les a commencés, aujourd’hui, il s’exprime avec une certaine fluidité dans cette langue qu’il a choisi d’apprendre, car elle s’avère très utile pour «la vie de tous les jours : acheter des choses, travailler». Il fait d’ailleurs partie des trois «jobs étudiants» qui ont pu être recrutés cette année grâce au soutien de l’Œuvre Grande-Duchesse Charlotte et de la Ville du Luxembourg.

Créateur de lien social

Parler des films qu’ils ont vus, de ce qu’ils ont fait durant leur journée… Il s’agit bien sûr d’apprendre durant ces ateliers, mais aussi d’échanger, encore et toujours, malgré les différences culturelles. «En cours de français avancé, j’avais beau expliquer un concept à un monsieur, il ne le comprenait pas. Un élève le lui a expliqué avec ses mots à lui, alors qu’ils sont tous deux de nationalité différente, et il a compris! Car ils se retrouvent dans le même processus. Les cours sont vraiment un lieu d’échange, les élèves se posent des questions sur leur pays d’origine, trouvent les points communs dans leurs langues. Jusque-là, cela s’est toujours fait dans le respect et la bonne humeur. On passe vraiment de très chouettes journées», témoigne Julie.

Les élèves qui suivent les cours sont représentatifs des populations exilées au Luxembourg : Érythréens, Afghans, quelques Syriens, Ivoiriens ou Nigérians… «La plus jeune a 13 ans, le plus âgé, la quarantaine» indique Julie. Mais le gros des troupes est constitué d’adolescents, qui apprennent visiblement à une vitesse déconcertante. «Les jeunes absorbent tout très vite!»

Ali, 14 ans, venu d’Afghanistan, arrive justement au centre culturel avec deux copains. Il a décidé de participer à ces ateliers d’été, quand bien même il va déjà à l’école le reste de l’année. «On voulait apprendre à parler encore mieux français! Il y a des verbes que je ne maîtrise pas», témoigne-t-il avec enthousiasme.

Il faut dire aussi que venir aux ateliers est une excellente occasion de sortir du foyer, de la routine, de se retrouver. «Ces ateliers sont de bons créateurs de lien social», confirme Marion Dubois. «Vivre en foyer, c’est déjà très pesant, mais être assigné à résidence, dans un endroit hostile comme la SHUK au Kirchberg, l’est encore plus. C’est donc une bouffée d’air pour eux.»

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’en dépit de la mise en suspens de nombre de ses activités, l’ASBL Passerell a tout fait pour maintenir l’an dernier ses ateliers d’été, dans le respect des mesures sanitaires bien sûr. «La pandémie a été dure pour tout le monde, mais tout particulièrement pour eux», rappelle Julie.

Après l’effort, le réconfort! La fin de la semaine est toujours axée sur des moments plus détente lors des ateliers de Passerell. Le vendredi est ainsi dévolu aux sorties. Les apprenants ont pu se rendre cet été à l’Escher Déierepark, au Parc Merveilleux à Bettembourg et au Luxembourg Science Center à Differdange – «ils ont adoré!», souligne Julie.

La semaine dernière, ils sont tous allés au cinéma, dans une salle entièrement privatisée, pour voir le film Jungle Cruise. «C’est un Disney, donc relativement facile à comprendre et, surtout, pas violent», précise Julie. Cette semaine, ils devaient visiter la capitale. Le 27 août, dernier jour de ces ateliers 2021, tous se rendront à la Schueberfouer. «Ils avaient des étoiles dans les yeux lorsqu’on le leur a proposé!, raconte Julie. D’autant que l’an dernier, cela n’avait pas été possible.»

Participer à l’intégration des réfugiés

«Mine de rien, on les aide. Un des réfugiés que nous avons eus est reparti dans un autre pays. À son arrivée ici, il ne parlait aucune autre langue que la sienne et comme il ne savait pas où il allait repartir ensuite, on lui a appris une langue qu’il pourrait parler n’importe où, en l’occurrence l’anglais. Il m’a récemment envoyé un message pour me remercier de le lui avoir appris», fait savoir Julie. «Contrairement à tous les clichés que les gens pourraient avoir, les réfugiés qui participent à nos ateliers sont incroyablement gentils, respectueux et serviables»,poursuit la jeune femme, qui retire beaucoup de satisfaction à mettre en place les ateliers pour les réfugiés. «J’ai l’impression de les avoir aidés à ma manière, d’avoir fait le bien autour de moi, à mon niveau bien sûr, et d’avoir contribué à leur intégration, au moins pour une petite partie.»

La réputation des ateliers d’été de Passerell n’est plus à faire et leur succès va croissant. Plus de 150 personnes s’y sont inscrites en 2021. «On espère que ça durera le plus longtemps possible!», lance Marion Dubois.

“La prise en charge mentale des migrants est absolument vitale”

Wilma van den Boogaard est infirmière, coordinatrice médicale pour Médecins sans frontières et chercheuse opérationnelle au sein de LuxOR (Luxembourg Operational Research), l’unité de recherche opérationnelle de MSF qui participe au développement de la recherche médicale sur le terrain. Elle a mené de nombreuses missions à l’étranger, la dernière en date fut au Liban de 2017 à 2019 dans un camp palestinien où vivent de nombreux réfugiés syriens. Elle a également participé à une étude sur la santé mentale des migrants dans le camp de Moria, en Grèce. Wilma van den Boogaard témoigne des difficultés psychologiques rencontrées par ceux qui ont dû fuir leur pays d’origine et se sont retrouvés coincés dans des camps.

Interview dans Le Quotidien 22 juillet 2021

Migration – eine ungenutzte Chance für den Klimaschutz?

Der Zusammenhang zwischen Klimawandel und Migration wird immer häufiger diskutiert. Seltener im Fokus stehen dagegen innovative Ansätze im Bereich Migration, die zu einem gerechten, ökologischen Übergang in der Wirtschaft beitragen können – wie beispielsweise Ausbildungs- und Arbeitsmarktpartnerschaften zwischen Afrika und Europa. Ein Essay von Ipek Gençsü, Research Fellow, Klima- und Nachhaltigkeitsprogramm, ODI, und Raphaela Schweiger, Teamleiterin Migration, Robert Bosch Stiftung.

Aus der Robert Bosch Newsletter

« Repenser la distribution géographique de la population »  

Inondations

« Repenser la distribution géographique de la population »

Ces inondations ne doivent pas être considérées comme un phénomène exceptionnel. François Gemenne, chercheur du Giec, appelle les politiques   à s’adapter aux impacts du changement climatique dès maintenant.

Entretien
Alors que les eaux se retirent, que les maisons se vident de leur substance, l’heure est déjà de faire le bilan. Non pas pour que de tels événements ne se reproduisent plus, mais pour que les dégâts ne soient plus aussi dommageables sur le plan humain et matériel. François Gemenne, spécialiste des migrations climatiques et enseignant à l’université de Liège et Science Po, en est certain : « Ce que nous considérions jadis comme des choses exceptionnelles va devenir la nouvelle normalité. Il va donc falloir s’y adapter. » En vidant la population des zones à risques ? Pourquoi pas…
Vous êtes originaire de Liège. Vous connaissez bien la région. Pouvait-on s’attendre à une telle catastrophe ?
Nous aurions dû… Tout le monde a été surpris par l’ampleur de la catastrophe, mais notre surprise vient largement du fait que nous imaginons que les événements climatiques extrêmes se produisent ailleurs que chez nous, que c’est un truc des pays du sud ou qui se produira dans un futur lointain. On regarde ces événements comme nous regardions le coronavirus lorsqu’il était encore en Chine. Or, on sait bien que le changement climatique va rendre ces événements climatiques à la fois plus fréquents et plus violents.
Peut-on encore parler d’événements « exceptionnels » ?
Non. Je me méfie de ceux qui disent qu’il s’agit d’une crue centenaire. Ce que nous considérions jadis comme des choses exceptionnelles va devenir la nouvelle normalité. Il va donc falloir s’y adapter. Les événements de ces dernières semaines ne sont pas à voir isolément les uns des autres. Les inondations tout comme le dôme de chaleur au Canada font partie d’un même continuum. Le changement climatique va accentuer les vagues de chaleur extrêmes et les précipitations intenses. Ce sont les deux faces d’une même pièce.
Pour vous c’est clair, le changement climatique est LE responsable ?
Cette question fait l’objet d’une controverse en Belgique. En l’état actuel de la science, il est très difficile d’attribuer un événement précis au changement climatique. Pour ça, il faut faire une étude d’attribution, ce qui j’imagine sera fait dans les prochains mois. Cette science de l’attribution progresse rapidement. Dernièrement, on a pu établir avec quasi-certitude que la probabilité de l’occurrence de la grande vague de chaleur en Sibérie – il y a 6 ou 9 mois lorsque les températures dépassaient 35 degrés – était 676 fois plus grande avec le changement climatique. Donc aujourd’hui, non, on ne peut pas dire que cette inondation est le résultat du changement climatique. Par contre, ce qu’on peut dire, c’est qu’il y a une très forte corrélation entre le changement climatique et ces événements extrêmes. C’est la même chose pour le tabagisme et le cancer du poumon. On sait qu’il y a une très forte corrélation entre le tabagisme et le développement du cancer du poumon. Il y a pourtant des gens qui développent ce cancer sans jamais avoir fumé une seule cigarette de leur vie.
Il n’y a pas que le réchauffement climatique : urbanisation croissante, aménagement du territoire…
Des facteurs non climatiques expliquent aussi l’ampleur de ces inondations. D’abord, il y a le fait que les sols étaient gorgés d’eau à la suite de précipitations antérieures et qu’ils avaient, par conséquent, une moins grande capacité d’absorption. Et il y a surtout, un phénomène d’artificialisation des sols, d’étalement urbain ; les sols deviennent de plus en plus imperméables et sont moins capables d’absorber des précipitations intenses. Les plans d’urbanisme doivent être revus à l’aube des changements climatiques. Par ailleurs, au-delà des inondations et du contexte européen, une grande question qui doit se poser, c’est la question de l’habitabilité : quelles sont les zones qui vont être sûres demain ? Ces zones ne sont pas celles d’hier. L’enjeu est de repenser la distribution géographique de la population.
Ça signifie relocaliser des populations entières ?
C’est ce que font déjà toute une série de pays du sud. Le Vietnam, par exemple, a mis en place un plan depuis une dizaine d’années qui s’appelle Living with flood (Vivre avec les inondations en français) et qui vise à déplacer, manu militari, des villages du Delta du Mékong vers les collines avoisinantes de manière à réduire le risque d’inondation pour ces populations. En 2019, le gouvernement indonésien a pris la décision de déplacer Djakarta de l’île de Java vers l’île de Bornéo parce qu’il craignait le risque de submersion permanente. En Europe, on n’est pas dans cette logique de relocalisation. Je pense qu’il faudra immanquablement y arriver.
Les sinistrés sont-ils prêts à quitter leur région suite à un tel événement ?
Non, la plupart des gens sont attachés à l’endroit où ils habitent. A cet égard, l’exemple de la tempête Xynthia qui a ravagé la France est tout à fait intéressant. Le gouvernement avait tenté de relocaliser les populations. Il leur avait proposé des conditions financières très intéressantes pour le rachat de leur maison et de leur terrain, et malgré ça, les gens n’ont pas voulu bouger. D’où l’intérêt de l’anticiper au maximum. Si vous arrachez quelqu’un de sa maison maintenant, il va forcément y avoir des résistances et un traumatisme. Par contre, si vous dites que les enfants de cette personne ne pourront plus y habiter, vous vous donnez davantage de chances de réussir. D’expérience, pour avoir accompagné pas mal de gouvernements dans ce processus, il faut impliquer au maximum la population.
La responsabilité du monde politique est-elle engagée ?
Il y a certainement une responsabilité politique isolée qui doit être pointée du doigt. On ne peut plus avoir des bourgmestres qui délivrent des permis de bâtir en zone inondable. Les déclarations à la légère de certains bourgmestres peuvent d’ailleurs avoir des conséquences criminelles. Le bilan le dira. A côté de ça, il existe une responsabilité politique qui est très déliée et qui touche l’ensemble des autorités des pays industrialisés. Une sorte de défaut de prévoyance en ce qui concerne l’adaptation aux changements climatiques. Si chacun peut faire un effort pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’adaptation aux conséquences du changement climatique doit venir des pouvoirs publics. Les petits gestes individuels ne suffisent pas, il faut une impulsion politique.

Soins gratuits : «Un silence assourdissant»

  • Le «Ronnen Dësch» ne souhaite pas de discussions stériles, mais un passage à l’acte concret.

    Photo : archives lq/pierre matge

Treize organismes de la société civile regroupés au sein du groupe de travail «Ronnen Dësch» demandent une couverture sanitaire universelle dans une lettre ouverte adressée à divers ministères et à l’ensemble des parlementaires. Une réponse se fait encore attendre. «Nous avons conscience qu’ils sont occupés à régler les problèmes liés à la pandémie, note Serge Kollwelter du «Ronnen Dësch». Cependant la situation actuelle montre l’importance de l’accès à la sécurité sociale et aux soins pour tous.»

Le sujet n’est pas neuf. Il est inscrit au programme de coalition. Et pourtant, rien ne bouge. «Ce n’est pas un sujet porteur en termes politiques. Il ne concerne que très peu de personnes et ne demandera pas de dépenses extraordinaires», poursuit Serge Kollwelter. Ignorer ces personnes sous prétexte du nombre ou de leur origine peut cependant, à terme, entraîner un problème de santé publique. «Ces personnes risquent de développer des pathologies dont les traitements vont être onéreux et gréver le système de santé», estime-t-il. Le groupe propose une Gesondheetshëllef, un fonds de solidarité, financée par le budget de l’État, qui permettrait de garantir ces soins gratuits.

Le nombre de personnes concernées est une nébuleuse en permanente évolution : personnes au tiers payant, sans-abri, jeunes entre 18 et 25 ans sans emploi, personnes en situation irrégulière… Les profils sont divers. «Il faut avoir une adresse pour avoir une couverture sociale et cotiser. En ce moment, la CNS tolère les adresses de correspondance auprès d’associations, mais il faut une base légale. Il suffit de changer de gouvernement pour que cette tolérance s’arrête», explique Serge Kollwelter.

Quant aux jeunes, pour toucher le Revis (revenu d’inclusion sociale), il faut être âgé de 25 ans minimum. «Un jeune qui n’a ni famille ni formation en cours est livré à la générosité des offices sociaux. Les cotisations sur base volontaire devraient être prises en charge par les offices sociaux. Le ministère de la Famille devrait faire en sorte que les prestations de base soient les mêmes dans toutes les communes, poursuit-il. Il faut plus qu’une recommandation.» Cette situation touche également les jeunes réfugiés.

La santé publique en jeu

Sans couverture sociale, pas de suivi médical préventif possible, de traitement ou de prise en charge d’urgence. Des gens meurent sur nos trottoirs. «Le problème est (re)connu. Nous attendons que la politique passe à l’action, indique Serge Kollwelter. Nous avons été patients assez longtemps. Ce silence assourdissant de la part des décideurs commence à poser question.» La pandémie à elle seule ne peut pas être une réponse.

Pas de couverture sociale, c’est également faire une croix sur des traitements pour des pathologies psychiques. «Nous attendons depuis longtemps déjà que les consultations chez les psychologues soient prises en charge par la Caisse nationale de santé», ajoute Serge Kollwelter, qui rappelle que la lettre ouverte fait également état de la question de l’interprétariat en matière de soins : «La langue pratiquée par les médecins peut ne pas être la nôtre. Quand on va chez un médecin, on a envie de bien comprendre et d’être bien compris. La Croix-Rouge a un service d’interprétariat, mais il est payant.» Dès lors, comment s’offrir un tel service quand on n’a déjà pas ou à peine les moyens de s’offrir des soins? Les soins de santé ne se résument pas à prescrire des médicaments.

«Nous voulons que les personnes exclues du système de santé ou qui ont du mal à y accéder puissent obtenir de l’aide. Nous ne voulons pas créer une polémique. C’est une question de santé publique avant tout, précise-t-il. Si ces personnes sont en bonne santé, elles ne risquent pas de nous rendre malades.» Le «Ronnen Dësch» ne souhaite pas de discussions stériles, mais un passage à l’acte concret. «La santé de chaque individu a un impact sur celle de toute la société.»

Lancement des projets 2021 dans le cadre du Plan d’action national d’intégration

Suite à un appel à projets lancé par le Département de l’intégration du ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région, 10 projets ont été retenus par le comité interministériel à l’intégration pour le financement de projets favorisant l’intégration au Grand-Duché de Luxembourg. Pour l’année 2021 et 2022, le Département de l’intégration soutient les projets PAN avec un montant total de 860.000€.